lundi 26 septembre 2016

VOLVER, de Pedro Almodovar (2006)


VOLVER est un film écrit et réalisé par Pedro Almodovar.
La photographie est signée José Luis Alcaires. La musique est composée par Alberto Iglesias


Dans les rôles principaux, on trouve : Penélope Cruz (Raimunda), Yohana Cobo (Paula), Lola Dueñas (Sole), Carmen Maura (Irene), Blanca Portillo (Agustina), Chus Lampreave (tante Claudia), Maria Isabel Diaz (Regina). 
Raimunda
(Penélope Cruz)

De nos jours, à Alcantor de Infantas en Galice. Raimunda, sa fille Paula, et sa soeur cadette Sole nettoient la tombe de leurs parents et croisent dans le cimetière leur amie Agustina qui s'y est achetée une concession. Les femmes vont ensuite rendre visite à la tante Claudia qui, comme d'habitude, malgré sa vue basse et sa santé fragile, leur a préparé de bons petits plats à emporter.
Raimunda et Paula
(Penélope Cruz et Yohana Cobo)

De retour à Madrid, Raimunda apprend que son mari, Paco, vient d'être licencié. Elle travaille à l'aéroport où elle assume plusieurs postes ingrats (serveuse, blanchisseuse, femme de ménage). Lorsqu'elle rentre à son domicile ce soir-là, elle trouve sa fille dehors en larmes : Paco a tenté de la violer et, pour se défendre, elle l'a tué avec un couteau de cuisine.
Tandis que Raimunda s'occupe du corps, plusieurs éléments la dérangent : Emilio, le propriétaire du restaurant voisin, lui remet les clés de son établissement qu'il a décidé de vendre pour s'installer à Barcelone ; puis Sole lui téléphone pour lui annoncer que tante Claudia est morte. 
Enfin seules, Raimunda et Paula transportent le cadavre de Paco dans le resto d'Emilio et le cache dans le congélateur.
Sole, Paula et Raimunda
(Lola Dueñas, Yohana Cobo et Penélope Cruz)

Le lendemain, lé régisseur d'une équipe de cinéma sollicite Raimunda pour que le resto serve de cantine à l'équipe de tournage. Elle accepte de les accueillir, comptant avec l'argent qu'elle gagnera racheter l'établissement, puis demande de l'aide à ses amies Regina, une prostituée, et Ines.
Cependant, Sole assiste aux funérailles de Claudia où, en marge, elle revoit, sidérée, sa mère, Irene, supposément morte depuis quatre ans. Elle rentre à Madrid avec elle et la cache dans son appartement en la faisant passer pour une employée russe auprès des clientes qu'elle coiffe "au noir".
Raimunda, avec l'aide de Regina, se débarrasse du congélateur en le transportant dans une fourgonnette louée et en l'enterrant à mi-chemin de Madrid et Alcantor, près d'un lac. Rendant visite à Sole, elle se fâche avec elle quand elle découvre une valise de tante Claudia avec ses bijoux. Puis Raimunda explique à Paula avoir fait disparaître le corps de Paco en lui avouant qu'il n'était pas son père biologique (celui-ci est mort il y a longtemps).
Le tournage s'achève et un buffet est dressé au resto pour une fête à cette occasion. Sole s'y rend et se réconcilie avec sa soeur qui chante avec les musiciens de l'équipe, sans savoir que sa mère l'écoute émue (elle lui avait apprise la chanson, Volver) non loin de là, dans la voiture de Sole. 
Irene et Raimunda
(Carmen Maura et Penélope Cruz)

Agustina débarque à Madrid pour y être opérée d'une tumeur et Raimunda va lui rendre visite : elle reçoit une étrange requête quand son amie lui demande d'interroger Irene pour savoir si elle sait où est passée sa propre mère, disparue elle aussi quatre ans auparavant. Pendant de temps, Paula a rencontré sa grand-mère chez Sole où Raimunda la découvre ensuite.
La nuit venue, elle écoute sa mère lui expliquer pourquoi elle a dû se cacher depuis toutes ces années : elle a tué son mari et sa maîtresse, la mère d'Agustina, autant par jalousie que parce qu'il avait violé Raimunda - Paula est donc né de cet inceste.
Paula, Sole, Irene et Raimunda

Raimunda, Paula, Sole et Irene repartent à Alcantor et s'installent dans la maison de la défunte tante Claudia. Agustina les y rejoint. Irene la veillera et lui promet de lui expliquer ce qui est arrivé à sa mère.
Raimunda, elle, est heureuse d'avoir pu retrouver la sienne et espère qu'elles reformeront une vraie famille maintenant.

Favori de la compétition cette année-là, Volver, unanimement considéré alors comme l'oeuvre la plus accomplie de Pedro Almodovar, ne reçut pas la Palme d'or (le cinéaste ibère n'a toujours pas été couronné, ce qui est aussi incompréhensible qu'injuste), mais le jury honora le film en lui attribuant un prix d'interprétation collectif exceptionnelle pour ses quatre actrices principales, Penélope Cruz, Lola Dueñas, Blanca Portillo et Carmen Maura (oubliant dans le lot la jeune et tout aussi méritante Yohana Cobo...). Si la récompense n'est pas volée, elle ne saurait suffire à souligner la qualité magistrale de l'ensemble de cette énième pépite dans une filmographie fabuleuse.

Pour Almodovar, il s'agissait néanmoins surtout d'un rebond : deux ans après La Mauvaise Éducation, oeuvre autobiographique sombre et douloureuse, Volver affiche une sérénité retrouvée, même s'il s'agit d'un somptueux et délirant mélodrame comme le seul l'auteur de Talons aiguilles sait les écrire et filmer. Un opus à la fois dramatique et léger, rouge et noir, comme une synthèse. 

On a beaucoup glosé sur le sens même du titre :  "Volver", c'est à la fois "revenir", "se tourner" mais aussi "changer". Ces différentes significations sont toutes explorées au fil d'un récit dont les rebondissements extravagants sont déroulés comme s'il coulait de source : on y assiste à un meurtre (quand on n'en évoque pas d'autres, commis dans le passé), on s'y débarrasse de cadavres (physiques et symboliques), tout le monde ment (mais pour mieux protéger ses proches), les morts resurgissent (en n'ayant jamais vraiment disparu), des secrets bouleversants sont dévoilés (donnant une perspective étonnante aux événements et induisant une part de déterminisme évident si on considère la répétition des actes de mère en fille). 

Pourtant, malgré l'abondance d'éléments tragiques, le miracle est que le film échappe à toute pesanteur, et il semble que cette grâce ait été inspirée à Almodovar par la volonté de faire de cette histoire celle d'une bande de femmes (alors que Parle avec elle, en 2002, et La mauvaise éducation se distinguaient d'abord par la présence des hommes au premier plan). Tous les mâles ici connaissent un sort funeste, ou sont écartés du récit (comme Emilio qui vend son restaurant), tandis que les femmes constituent un corps solidaire, solaire, sensuel, sensible. Les héroïnes ont toutes souffert des hommes et doivent se reconstruire à la fois en s'en éloignant mais aussi en se serrant les coudes. Cette entraide dépasse les secrets, les trahisons, les fâcheries : tout sera oublié, pardonné comme on revient à la source, en s'arrêtant sur le chemin du retour près d'un lac fréquenté enfant (et à proximité duquel repose maintenant un mari incestueux...) - ou dans le souvenir d'un incendie (qui emporta un époux infidèle et pervers)... A moins qu'elles ne soient toutes folles, à cause du vent qui balaie la Galice. 

Film rouge vif (comme les liens du sang - de la famille, de l'amour interdit, d'une blessure mortelle) et noir (comme la couleur du deuil, de l'oubli, de la nuit), Volver profite à plein de son gang de filles digne effectivement de tous les compliments : dans une composition qui doit autant au Roman de Mildred Pierce (Michael Curtiz, 1945) qu'aux héroïnes du cinéma italien (Sophia Loren, et surtout Anna Magnani, citée via un extrait de film à la fin, avec la même coiffure de jais et la mêm nuisette noire épousant ses formes plantureuses), Penélope Cruz se distingue particulièrement dans le rôle d'une vie, figure charismatique, d'une volupté folle, à la tête de cette odyssée intimiste et débridée. Seule sa famille compte, et cette foi fait loi, au point que la police est exclue de l'intrigue : elle est prête à se sacrifier pour sa fille, accepte le geste vengeur de sa propre mère, pardonne à sa meilleure amie, soutient sa soeur. Comme le fait remarquer la cousine Agustina (jouée par Blanca Portillo), elle-même en quête de réponses liées au passé de la mère de Raimunda, le linge sale doit se laver entre elles.

Almodovar s'affranchit des règles des genres qu'il explore, fuyant le naturalisme pour lui préférer un lyrisme toujours coloré mais plus retenu qu'autrefois, l'exubérance maintenant fortement teinté de mélancolie. Le résultat produit des émotions détonantes, à la fois euphorisantes (c'est du pur cinéma, de la fiction échevelée et très maîtrisée à la fois) et poignantes (les personnages se construisent sur des ruines, des blessures, des failles).

Volver peut être vu comme la conclusion d'une période, comme on la considérerait chez un peintre (et Almodovar étant un cinéaste très graphique, la comparaison se tient), mais la suite de sa production (hormis l'épouvantable Les amants passagers, en 2013) a plutôt indiqué que la maturité acquise s'était confirmée dans des oeuvres de plus en plus fines, ouvragées, où la femme reste au centre de ses motifs narratifs.  

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