dimanche 11 septembre 2016

UN JOUR, de Lone Scherfig (2011)


UN JOUR (One Day) est un film réalisé par Lone Scherfig.
Le scénario est écrit par David Nicholls, d'après son roman. La photographie est signée Benoît Delhomme. La musique est composée par Rachel Portman.


Dans les rôles principaux, on trouve : Anne Hathaway (Emma Morley), Jim Sturgess (Dexter Mayhew), Romola Garaï (Sylvie Cope), Rafe Spall (Ian), Patricia Clarkson (Alison Mayhew), Ken Stott (Steve Mayhew).

14 fois le 15 Juillet, sur 23 années, de la vie d'Emma Morley et de Dexter Mayhew, amis puis amants. 
Emma Morley et Dexter Mayhew
(Anne Hathaway et Jim Sturgess)

1988 : Emma Morley et Dexter Mayhew viennet de décrocher leur baccalauréat à Edimbourg. Emêchés après avoir fêté ça, ils passent la nuit ensemble mais sans faire l'amour.
1989 : Dexter aide Emma à emménager à Londres. La jeune femme ambitionne de devenir écrivain tandis que lui compte bien gagner sa vie sans faire trop d'effort en misant sur son physique et sa chance. 
Dexter et Alison Mayhew
(Jim Sturgess et Patricia Clarkson)

1990 : Emma est devenue serveuse dans un restaurant mexicain à Londres dont le propriétaire lui promet de devenir manager en lui confiant la formation d'un jeune employé. Pendant ce temps, Dexter parcourt le monde, enchaînant les aventures sans lendemain, profitant de l'argent de ses riches parents. 
Emma et Ian
(Anne Hathaway et Rafe Spall)

1992 : Dexter est devenu présentateur d'une émission de divertissement à la télévision et a une relation avec une danseuse du show, Suki, lorsqu'il reçoit la visite sur son plateau de son père, déplorant le niveau affligeant de ce programme. Emma se lie d'amitié puis devient la compagne de Ian, qui aimerait devenir un humoriste reconnu sur scène, en dépit de son manque évident de talent. 
1994 : La mère de Dexter, Alison, dont il était resté proche, meurt d'un cancer, sans qu'il ait souvent auprès d'elle durant sa maladie, trop occupé par son métier et ses sorties.
Sylvie Cope
(Romola Garaï)

1995 : Emma est devenue institutrice. Dexter lui reproche d'avoir renoncé à ses rêves d'écrivain tandis qu'elle lui fait remarquer la bêtise des émissions télé qu'il anime et son mode de vie dissolu.
1996 : Emma accepte l'invitation à dîner de Dexter mais s'aperçoit qu'il se fiche d'écouter ses problèmes, notamment conjugaux, préférant se vanter de ses succès professionnels et refusant d'admettre son addiction à la cocaïne. Ils se quittent fâchés, elle particulièrement affligée par ce qu'il est devenu, lui méprisant la leçon de morale qu'elle lui inflige.
Dexter et Emma

1998 : la nouvelle émission télé de Dexter est annulée et il se trouve sans emploi ni perspective d'avenir dans un milieu où son caractère hautain déplaît et où ses fans d'hier le dénigrent désormais. A 32 ans, il renoue avec Sylvie Cope, une de ses anciennes conquêtes, issue de bourgeoisie. De son côté, constatant l'échec de leur relation et préférant rester bons amis, Emma annonce à Ian qu'elle le quitte.
1999 : Dexter vit aux crochets de Sylvie lorsque Callum, un de ses anciens amis d'Edimbourg, devenu le patron d'une chaîne de restauration, lui offre une place. Il l'accepte, quitte à repartir de zéro. Emma entreprend la rédaction de son premier roman.
Dexter et Emma

2000 : lors du mariage d'une connaissance commune, Emma et Dexter se revoient. Ils échangent un baiser, mais en restent là car il va épouser Sylvie et elle ne veut pas briser leur couple. 2001 : Dexter est papa d'une petite fille, Jasmine. Sylvie le trompe avec Callum.
2003 : Emma s'est installée à Paris depuis le succès de son premier roman et aime un musicien de jazz, Jean-Pierre, lorsqu'elle accueille Dexter, qui vient de divorcer. Saisissant cette opportunité, elle le rattrape avant qu'il ne reparte pour Londres et ils s'avouent leur amour réciproque. 2004 : Emma et Dexter décident d'avoir un enfant lors d'un week-end où il a la garde de Jasmine.
2006 : Emma est tuée après qu'un camion de livraison de marchandises la percute alors qu'elle roulait à vélo. 2011 : Dexter emmène sa fille Jasmine sur la colline surplombant Edimbourg, là où, 23 ans auparavant, il avait promis à Emma de rester son meilleur ami.

En découvrant ce film d'une réalisatrice dont j'avais apprécié le précédent effort (Une Education, 2009), j'ai d'abord pensé à une amie et, une fois n'est pas coutume, je vais vous en parler un peu avant de passer à la critique proprement dite afin d'expliquer pourquoi j'ai regardé Un Jour.

Il n'y a pas si longtemps encore, je fréquentai un forum principalement consacré à une des mes passions (la bande dessinée, principalement américaine en ce lieu) lorsque je ne me consacrai pas à alimenter un autre blog (récemment abandonné après la rédaction de mille critiques). Dans ce forum intervenait une jeune femme sous le pseudo de Magda dont j'ai eu le privilège de gagner l'amitié en partageant plusieurs de ses goûts. C'était une personne aimable (ce qui n'est pas si fréquent dans ces espaces de discussion où on réclame la courtoisie et le respect sans que les modérateurs soient si polis), à l'existence cabossée (un métier parfois dangereux, une famille qui l'avait rejetée), mais animée par une passion pour les comics et le cinéma qui forçait l'estime, un enthousiasme communicatif. 

Et puis, après quelques mésaventures (professionnelles et personnelles), Magda a disparu des radars. Elle a cessé de poster sur le forum. Provisoirement malade, elle promit de revenir vite, mais ce ne fut pas le cas. Je ne sais pas ce qu'elle est devenue. J'espère qu'elle va bien. C'est en partie parce qu'elle n'y intervenait plus que j'ai fini par quitter ce forum.

Pourquoi raconter cela ? Quel rapport avec le film ? Hé bien, Magda était la plus grande fan de Anne Hathaway au monde. Une fois, elle rédigea une critique vibrante sur plusieurs films de cette actrice américaine dans laquelle elle disait son admiration mais aussi son attirance pour elle (car Magda aimait les filles, sans impudeur, mais sans se cacher non plus : elle l'assumait avec cette franchise désarmante et délicate qui n'appartenait qu'à elle). Il s'agissait d'une véritable déclaration d'amour, si bien tournée, si sincèrement exprimée, qu'elle ne pouvait que donner envie de voir les films avec Anne Hathaway en espérant l'apprécier autant que Magda.

Depuis, chaque fois que je regarde un long métrage avec cette actrice, je pense à Magda. Je sais qu'elle a déjà dû voir ce film, qu'elle l'a sûrement adoré, et j'aimerai en parler avec elle. Je vois Magda à travers Anne Hathaway avec laquelle je suis certain qu'elle partage le charme, le sourire triste, les grands yeux brillants. Voir un film avec Anne Hathaway est devenue comme une étrange messagerie entre Magda et moi : tant qu'il y en aura, j'aurai le sentiment qu'elle est encore là, je ne l'oublierai pas.

Pourtant, Anne Hathaway est une drôle de cliente pour un spectateur comme moi : elle n'a jamais tourné dans un film qui m'a vraiment plu. C'est une bonne actrice, séduisante, attachante, mais sans grand film à son actif, sans un grand cinéaste à son palmarès. L'archétype de la girl next-door, de la comédienne wannabe, dans un lot où d'autres, plus malines, plus chanceuses, plus charismatiques, ont déjà décroché la timballe.

Un jour ne déroge pas à cette règle : avec son histoire qui ressemble éhontément au classique de Rob Reiner, Quand Harry rencontre Sally (1989), on a droit à beaucoup de promesses non tenues, une suite de saynètes inégales, avec une fin lacrymale à souhait, qui déçoit de la part de la cinéaste sensible d'Une éducation, mais où, miraculeusement, Anne Hathaway surnage. 

La réalisatrice Lone Scherfig a un indéniable talent : elle sait choisir ses actrices (même si elle désirait confier le rôle d'Emma Morley à une anglaise au début) et les mettre en valeur. Après la frémissante Carey Mulligan, elle sublime Anne Hathaway dont elle tire le meilleur et qui le lui rend bien. Elle s'est emparée de son personnage avec une telle conviction que sa romance contrariée sur 23 ans avec un bellâtre égocentrique se laisse voir sans ennui... Tant qu'elle est à l'image ! Grâce à elle, et parce qu'elle ne force jamais le trait, on croit au parcours et l'évolution de cette jeune aspirante romancière de 22 à 30 ans, de l'étudiante un peu nunuche à la femme accomplie, sans jamais minauder mais au contraire en l'interprétant avec d'étonnantes nuances.

Mais c'est justement le problème : le film n'est pas à la hauteur de sa prestation, et sa prestation elle-même contrevient à toutes les performances attendues dans ce genre de registre. Ne vous attendez pas à une composition pleine d'effets, avec maquillage, prothèses, et je-ne-sais-quel-autre-artifice : c'est une partition plus subtile que joue Anne Hathaway, tellement plus fine que la trame dégoulinante du scénario, lui-même fondé sur une béquille bêbête (l'action se concentre à chaque fois sur un seul jour, un 15 Juillet, durant 23 ans). 

Lone Scherfig est incapable de profiter du diamant qu'elle dirige pour aligner son film sur le jeu de sa vedette. Anne Hathaway émeut et charme avec une dignité et une classe folle que l'histoire n'a pas, et que son partenaire, Jim Sturgess, peine à suivre : il est pourtant excellent quand il incarne Dexter dans ses plus mauvais côtés puisqu'on a envie de le gifler pour qu'il comprenne à côté de qui et quoi il passe, mais quand il s'en rend finalement compte, il ne réussit pas à nous faire croire qu'il est aussi dévasté que nous le sommes. Ce mauvais mix mine définitivement le film car la comédie (ou le drame) romantique ne souffre pas qu'un comédien ne soit pas à la hauteur de sa partenaire (Billy Crystal et Meg Ryan justement, dans Harry et Sally, comme tant d'autres couples de cinéma avant eux, l'ont prouvé : il faut être deux pour danser). De même qu'on ne comprend pas ce qu'Emma trouve à Dexter, on se désole qu'Anne Hathaway domine dans l'interprétation aussi outrageusement Jim Sturgess.

Le film est joliment filmé (belle photo du français Benoît Delhomme, mise en scène classique), mais ne décolle jamais, sombrant même à la fin dans le mauvais mélo, sirupeux et moraliste. Il faudra encore attendre avant que Anne Hathaway rencontre son Billy Wilder, comme Audrey Hepburn en son temps : la comparaison est évidente quand on remarque, comme Jim Sturgess, à quel point elle évoque la mythique muse de Givenchy avec sa coupe à la garçonne dans une robe bleue où elle est divine.

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