jeudi 29 septembre 2016

GONE BABY GONE, de Ben Affleck (2007)


GONE BABY GONE est un film réalisé par Ben Affleck.
Le scénario est écrit par Ben Affleck et Aaron Stockard, d'après le roman de Dennis Lehane. La photographie est signée John Toll. La musique est composée par Harry Gregson-Williams.


Dans les rôles principaux, on trouve : Casey Affleck (Patrick Kenzie), Michelle Monaghan (Angie Gennaro), Morgan Freeman (capitaine Jack Doyle), Ed Harris (agent Remy Bressant), John Ashton (agent Nick Poole), Amy Ryan (Helene McCready), Titus Welliver (Lionel McCready), Amy Madigan (Bea McCready), Edi Gathegi (Cheese Jean-Baptiste), Madeline O'Brien (Amanda McCready).
 Patrick Kenzie et Angie Gennaro
(Casey Affleck et Michelle Monaghan)

Boston. Patrick Kenzie et Angie Gennaro, un couple de détectives privés, sont engagés par Lionel et Bea McCready pour retrouver leur nièce, Amanda, 4 ans, dont la disparition est commentée dans tous médias. 
Lionel et Bea McCready
(Titus Welliver et Amy Madigan)

Le capitaine de la police, Jack Doyle, n'apprécie guère cette initiative mais s'y résigne. Angie est, elle, anxieuse à l'idée d'un dénouement tragique, doutant de pouvoir se remettre de la mort d'une enfant. 
Jack Doyle, Patrick Kenzie et Angie Gennaro
(Morgan Freeman, Casey Affleck et Michelle Monaghan)

L'enquête conjointe des détectives et de la police les conduit à soupçonner la mère de la fillette, Helene McCready, toxicomane peu inquiète par la situation. Elle avoue être sortie dans un bar le soir de la disparition d'Amanda pour retrouver son amant, un dealer connu sous le pseudonyme de "Skinny" Ray, avec lequel elle a volé la coquette somme de 130 000 $ à un caïd local, "Cheese" Jean-Baptiste. Patrick le connaît et propose de lui parler.
Nick Poole, Helene McCready et Remy Bressant
(John Ashton, Amy Ryan et Ed Harris)

Accompagnés des agents Remy Bressant et Nick Poole du Boston Police Department, Patrick et Angie se rendent avec Helene chez "Skinny" Ray et le trouvent battu à mort. Son butin est enterré dans son jardin comme le pensait Helene.
Entretemps, les services de Doyle ont reçu une demande de rançon émanant de "Cheese" qui veut récupérer son argent en échange d'Amanda.
Patrick Kenzie, Remy Bressant, Angie Gennaro et Nick Poole

L'échange doit avoir lieu dans les carrières du quartier de Quincy à la nuit tombée, mais au moment et au lieu dits, une fusillade éclate et, le temps que Patrick et Angie rejoignent Bressant et Poole, "Cheese" a été tué avec ses complices. Angie plonge dans le lac où elle a entendu tomber quelque chose mais ne repêche qu'une poupée.
L'affaire est close peu après, concluant à la mort par noyade d'Amanda McCready : ses obsèques ont lieu sans corps à enterrer. Le capitaine Jack Doyle devance les sanctions de sa hiérarchie en démissionnant après une carrière exemplaire.  
Pourtant, deux mois après, l'enquête rebondit quand Patrick apprend à la télé la disparition de Johnny Pietro, 7 ans. Un de ses amis, dealer, oriente ses recherches et l'emmène chez un certain Corwin Earle, toxicomane ayant fréquenté Helene McCready. 
Angie Gennaro

Angie traumatisée par l'affaire d'Amanda, Patrick affranchit Bressant et Poole qui font une descente nocturne chez Earle. Un échange de tirs blessent mortellement Poole et oblige Patrick à intervenir en soutien. Il retrouve le cadavre du petit garçon dans la baignoire de Earle qu'il abat. Si son geste tourmente Patrick, Bressant a, lui, la conviction qu'il a bien agi, car il ne supporte pas qu'on s'en prenne aux enfants. 
Cette attitude trouble le jeune détective qui cherche à en savoir plus sur l'agent en interrogeant un ami commun dans la police : il apprend ainsi qu'une rumeur court selon laquelle Bressant était en relation avec Lionel McCready bien avant la disparition d'Amanda (il lui avait évité la prison après une bagarre dans un bar).
Patrick Kenzie

Patrick et Angie interrogent Lionel dans un bar et il leur avoue que l'agent a enlevé Amanda pour la protéger de sa mère, piéger "Cheese" et récupérer la rançon. Bressant surgit et tente alors d'abattre Lionel mais le barman le blesse mortellement.
Interrogé par la police, Patrick comprend qu'on veut le compromettre. Il réfléchit alors à qui serait assez influent pour avoir protéger les agissements de Bressant et, avec Angie, se rend chez Doyle. Il y retrouve Amanda qu'il a adopté avec sa femme pour lui assurer un meilleur avenir. Angie approuve ce choix mais pas Patrick qui dénonce l'ancien capitaine.
Amanda est rendue à sa mère tandis que Angie quitte Patrick. Il rend visite peu après à Helene pour s'apercevoir qu'elle néglige toujours sa fille, se préparant à sortir pour rencontrer un homme (après avoir viré Lionel et Bea), et la confiant au détective en attendant l'arrivée de la baby-sitter. 

Il y a des accroches, ces petites phrases sur l'affiche censées tenter le spectateur, qui en disent plus long sur la manière dont un studio souhaite promouvoir un film que sur l'histoire du film : ainsi note-t-on que pour Gone baby gone, l'accent est mis sur l'adaptation d'un roman de l'auteur de Mystic Tiver (transposé avec succès par Clint Eastwood en 2003) plus que sur le fait qu'il s'agit du premier film réalisé par Ben Affleck.

On peut expliquer cette discrétion sur le néo-cinéaste parce qu'il était alors encore considéré comme un acteur au crédit bien entamé, dont les qualités d'interprète ont souvent suscité la moquerie. La surprise de la réussite de son passage derrière la caméra n'en fut que plus grande - et la suite de sa nouvelle carrière a confirmé les espoirs placés dans ce premier effort (en 2010 avec un autre excellent polar, The Town, puis en 2012 avec le triomphe public et critique d'Argo).

Pourtant, on pouvait se douter que Ben Affleck avait de grandes ambitions et s'était donné les moyens de les concrétiser en s'entourant d'une équipe technique de première classe (John Toll comme chef opérateur a photographié La Ligne Rouge de Terrence Mallick en 1998 ou Braveheart de Mel Gibson en 1995 ; William Goldenberg est le monteur de Michael Mann). Et pour couronner le tout, il s'emparait du roman le plus emblématique de la série des enquêtes de Patrick Kenzie et Angie Gennaro écrite par Dennis Lehane. 

Le romancier, loué par la critique et le public, est un auteur réputé pour ses intrigues sombres, ses personnages tourmentés, situés dans un décor urbain précisément décrit et théâtre d'événements horribles. De cette histoire, Affleck et son co-scénariste Aaron Stockard ont su tirer la substantifique moëlle en n'hésitant pas à tailler dans sa matière très dense : l'intrigue y gagne en nervosité sans perdre en mystère et surtout en restituant la force poignante de son dénouement.

Surtout on devine ce qui a fasciné Affleck dans ce récit noir : observer la population des précaires de Boston, les efforts de deux détectives acceptant le job avec réticence, la gangrène d'une ville par la criminalité et la drogue. Abondant en scènes nocturnes, les scènes clés se jouant dans des rues glauques ou des bars minables, traversés par des personnages résignés par leur condition misérable, Gone baby gone ne manque pas d'intensité et soigne ses ambiances, dominées par une sorte de fatalisme écrasant.

Le film gagne aussi sur le plan formel car Affleck n'en rajoute pas : il traite l'histoire avec sobriété, assumant son classicisme, loin du lyrisme trop appuyé d'Eastwood. La complexité de l'investigation, sa construction en deux actes, n'égarent jamais le spectateur, et son utilisation de la voix off reste très mesurée. La maîtrise avec laquelle il a su tenir son projet est épatante mais révèle un metteur en scène exigeant, méticuleux, bien préparé : mûr. 

Il a aussi pu s'appuyer sur une superbe distribution, avec une galerie de seconds rôles campés par des comédiens de grande classe : quel plaisir de voir Morgan Freeman qui ne se contente pas de cachetonner et cabotiner, de voir le magnétisme de Ed Harris aussi bien valorisé. Face à ces monstres sacrés, les prestations de Michelle Monaghan, révélée par Kiss Kiss Bang Bang, ici dans un registre dramatique qu'elle assume avec la même subtilité, et surtout de Casey Affleck, le cadet de Ben, puissant et sobre (comme il a souvent été salué depuis et qui en fait un candidat sérieux aux prochains Oscar pour Manchester by the sea de Kenneth Lonergan), sont remarquables. 

Gone baby gone est un coup d'essai et un coup de maître : cette série noire, sans fioritures mais pas sans style, fait forte impression - et rend impatient de découvrir le prochain opus de Ben Affleck, à nouveau adapté de Dennis Lehane (Live by night, en 2017). 

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