jeudi 22 septembre 2016

10 CLOVERFIELD LANE, de Dan Trachtenberg (2016)


10 CLOVERFIELD LANE est un film réalisé par Dan Trachtenberg.
Le scénario est écrit par Damien Chazelle, Josh Campbell et Matt Stuecken, d'après une histoire de ce dernier. La photographie est signée Jeff Cutter. La musique est composée par Bear McCreary.

Dans les rôles principaux, on trouve : Mary Elizabeth Winstead (Michelle), John Goodman (Howard Stambler), John Gallagher Jr. (Emmett DeWitt), Suzanne Cryer (la femme dehors), Bradley Cooper (la voix de Ben).
 Michelle
(Mary Elizabeth Winstead)

Jeune styliste à New York, Michelle attend en vain un appel de son fiancé, Ben, et décide de quitter son appartement et la ville au volant de sa voiture. A la nuit tombée, elle roule encore lorsqu'elle reçoit un appel de Ben mais elle coupe la communication. Distraite cet instant, quand elle relève les yeux sur la route, elle voit foncer devant elle un Truck et perd le contrôle de son véhicule.
 Howard Stambler et Michelle
(John Goodman et Mary Elizabeth Winstead)

Quand elle reprend connaissance, Michelle est couchée sur un matelas à même le sol dans une cave, la jambe droite prise dans une attelle liée par une chaîne à la tuyauterie et une perfusion au bras gauche. Son sauveteur (ou son geôlier ?) apparaît alors et ses présente : Howard Stambler. Il lui explique l'avoir soignée après son accident, lui laisse un plateau repas et se retire. Une fois seule, elle attrape son sac et son téléphone portable mais ne capte pas de réseau.
 Emmett DeWitt et Michell
(John Gallagher Jr. et Mary Elizabeth Winstead)

Howard détache Michelle après lui avoir raconté que les Etats-Unis ont été victimes d'une attaque d'origine extra-terrestre. L'air est devenu toxique, les morts sont innombrables, mais le bunker dans lequel ils sont leur permettra de tenir au moins un an ou deux.
Michelle, doutant de cette histoire, tente de s'échapper mais découvre un autre homme retenu là : il s'appelle Emmett DeWitt, c'est un voisin d'Howard qu'il a aidé à emménager son bunker, et qui a le bras droit en écharpe. Il est convaincu qu'une catastrophe a bien eu lieu.
 Howard, Michelle et Emmett

La tension demeure dans cet espace confiné mais pourtant agréablement meublé et bien équipé. Michelle a peur et se méfie toujours de Howard à qui elle réussit à subtiliser son trousseau de clés. Elle monte alors jusqu'à la porte du bunker mais quand elle va l'ouvrir, une femme à la peau brûlée supplie de la laisser entrer. Michelle y renonce et la voit mourir peu après.
 Emmett et Michelle

Les jours s'écoulent dans une ambiance plus calme jusqu'à ce qu'un problème survienne dans le conduit d'aération. Michelle est la seule assez souple et fine pour s'y glisser. Son inspection aboutit à une découverte troublante : dans le local technique, après avoir réparé l'avarie, elle trouve une paire de boucles d'oreille - celle que portait Megan, la fille de Howard sur une photo qu'il lui a montrée. Mais quand elle parle ensuite à Emmett, celui-ci lui affirme que la fille sur le cliché est une certaine Britanny, disparue mystérieusement deux ans plus tôt.
 Emmett, Michelle et Howard

Ensemble, Emmett et Michelle décident de neutraliser Howard pour s'évader. Ils confectionnent des masques à gaz et des combinaisons étanches (avec des bouteilles d'eau en plastique, le rideau de douche et un ruban adhésif). Mais Howard devine leur projet et tue froidement Emmett. Michelle le blesse et réussit à sortir du bunker. 
Michelle

L'air n'est pas vicié mais une découverte encore plus hallucinante l'attend, avant qu'elle ne choisisse de gagner Houston où, à la radio, on réclame des secours...

Il convient d'abord de préciser que 10 Cloverfield Lane est compréhensible et appréciable sans avoir vu Cloverfield (Matt Reeves, 2008), film-catastrophe dans lequel un monstre extra-terrestre, filmé par une bande de jeunes fêtards, ravageait New York. Le projet est plus original et peut s'envisager comme un spin-off, une variation dans ce que J.J. Abrams, le producteur commun aux deux longs métrages, appelle déjà le "Clover-verse". Mais là où la forme primait sur le fond dans le premier (avec son style found footage), ici c'est le parfait contre-pied avec un exercice narratif bien plus intense et suggestif. 

10 Cloverfield Lane est une authentique série B, mais avec toute la noblesse qu'on peut accorder à ce registre. Repéré grâce à ses vidéos sur Internet, le réalisateur, Dan Trachtenberg, surprend agréablement en ne livrant pas un film bourré de tics attendus de la part d'un né-cinéaste 2.0 : pas d'image trop léchée ou trop négligée, pas de montage haché, la simplicité visuelle du produit séduit par son respect de l'argument. Il s'agit d'un huis-clos minimaliste durant les 3/4 de l'histoire, on ne quitte pas le bunker pendant 85 minutes sur les 105 que dure le film.

Cette aspect anti-spectaculaire est à la fois troublant, car cela tourne le dos aux blockbusters, et positivement étonnant, car c'est un retour affiché à une façon de raconter en suggérant (qui évoque les films d'épouvante, comme ceux de Jacques Tourneur - cf. La Féline, 1942 ; Rendez-vous avec la peur, 1957). Le spectateur est en immersion et suit les événements (même si, en l'occurrence, l'intimisme inquiétant du récit dément toute connotation spectaculaire) via le personnage de Michelle : comme elle, nous sommes incrédules, angoissés, méfiants, soupçonneux, rebelles, etc). Le procédé n'est pas nouveau, mais il n'est pas question d'originalité ici : l'efficacité prime et elle est redoutable.

Dans ce contexte claustrophobique, on est, comme la jeune femme, peu enclin à accepter les faits comme établis par l'imposant Howard, personnage aussi massif qu'irascible, et qui impose sa version par sa présence physique face à ses deux "invités" vulnérables (plus frêles que lui et blessés). Enfermés, ni Michelle ni Emmett ne peuvent vérifier l'authenticité de la catastrophe et, progressivement, à l'effroi de la situation extérieure fait place la peur de cet hôte, qui se prétend leur sauveur mais se comporte comme leur geôlier. 

En la matière, le film renvoie à Signes (M. Night Shyamalan, 2002), mais purgé de tout discours religieux, plus économe, plus intense. Le scénario original de Matt Stuecken, remanié par Josh Campbell et Damien Chazelle (l'auteur de l'excellent Whiplash), joue à fond sur les apparences : seule la parole de Howard est audible, appuyée (au début) par Emmett. Le malaise, entretenu par son tempérament violent et le doute de Michelle, atteint le spectateur qui veut savoir et donc soutient les efforts de la jeune femme pour s'échapper tout en ayant peur pour elle si elle échoue ou, si elle y arrive, constate que la situation à l'extérieur est effectivement aussi compromise. La surprise, la hantise, la résignation, la suspicion, la contre-attaque, se succèdent jusqu'au dénouement... Qu'il serait dommage de dévoiler (je le fais souvent, mais non pour gâcher la surprise que parce que, le plus souvent, le déroulement vaut mieux que la conclusion, le voyage est plus important que le but).

En vérité, 10 Cloverfield Lane est une passionnante réflexion sur la monstruosité, d'autant plus que le "méchant" est équivoque. John Goodman est un choix parfait, excellent, pour incarner Howard : son gabarit, sa voix puissante, en font le personnage naturellement, une sorte d'ogre qui se veut bienveillant mais dont les propos et les actes le contredisent. Face à lui, John Gallagher Jr. (remarqué dans States of Grace de Destin Daniel Cretton) est très bon aussi, dans le rôle le plus ingrat, qu'il interprète avec sobriété. Mais c'est surtout Mary Elizabeth Winstead qui épate le plus : cette jeune et ravissante comédienne, souvent abonnée aux films décevants malgré une belle présence et un jeu d'une grande justesse, révélée déjà dans le fantastique (drôle et terrible) Destination Finale (premier volet de la série), est formidable dans la peau de cette otage insoumise, attentive, pugnace, capable de ne pas être éclipsée par son adversaire tout en étant bien fragile face à lui.   

Dans ce drame extraordinaire, qui fait penser à un épisode de La 4ème Dimension ou Au-Delà du Réel, l'ennemi le plus plus dangereux n'est pas celui qu'on croit. Et même si, une fois dehors, les auteurs auraient presque pu se passer de quelques éléments (toutefois réduits au strict minimum, ce qui ne contredit pas le minimalisme de l'ensemble), on demeure le souffle coupée, encore sidéré, comme Michelle incertaine de l'avenir. C'est bon de frissonner ainsi quand c'est fait de manière si subtile.

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