lundi 12 septembre 2016

DON JON, de Joseph Gordon-Levitt (2013)


DON JON (Don Jon's Addiction) est un film écrit et réalisé par Joseph Gordon-Levitt.
La photographie est signée Thomas Kloss. La musique est composée par Nathan Johnson.


Dans les rôles principaux, on trouve : Joseph Gordon-Levitt (Jon Martello Jr.), Scarlett Johansson (Barbara Sugarman), Julianne Moore (Esther), Tony Danza (Jon Martello Sr.), Glenne Headley (Angela Martello), Brie Larson (Monica Martello).
 Barbara Sugarman et Jon Martello
(Scarlett Johansson et Joseph Gordon-Levitt)

De nos jours. Jon Martello est un barman, athlétique et séducteur, que ses amis surnomment "Don Jon" à cause de ses innombrables conquêtes féminines, toutes des aventures d'une nuit. Car le jeune homme ne trouve son vrai plaisir qu'en visionnant des vidéos pornographiques sur Internet où le spectacle de femmes soumises aux moindres désirs des hommes représente la relation qu'il rêverait de vivre dans la réalité tout en sachant que c'est impossible.
Barbara et Jon

Pourtant, un soir, dans une discothèque, il remarque Barbara Sugarman, une superbe et pulpeuse blonde correspondant à son idéal féminin, et il l'aborde, résolu à s'en faire aimer. Contre toute attente, bien qu'elle agisse en fille sûre de son pouvoir de séduction, elle est une fan de comédies romantiques et est peu disposée à se donner rapidement à un homme, attendant surtout de lui un engagement sérieux. Fou de désir mais aussi gagné par d'authentiques sentiments amoureux, Jon est prêt à faire des efforts.
Monica, Angela, Jon Sr. Martello, Barbara et Jon Jr.
(Brie Larson, Glenne Headley, Tony Danza, Scarlett Johansson
et Joseph Gordon-Levitt)

Ainsi suit-il des cours du soir pour devenir manager : c'est là qu'il fait la connaissance d'Esther, une étonnante quinquagénaire, elle aussi inscrite, et qui le surprend en train de mater du porno sur son téléphone portable. Elle se dispense pourtant de le juger et insiste pour devenir son amie, lui prodiguant occasionnellement des conseils inspirés par sa vie sentimentale. Jon comprend qu'il ne trouvera la paix dans son couple et vis-à-vis de son addiction sexuelle qu'en s'abandonnant avec sa compagne comme elle s'abandonne avec lui.  
Esther et Jon
(Julianne Moore et Joseph Gordon-Levitt)

Peu après pourtant, Barbara le quitte car elle a découvert dans l'historique de son ordinateur la liste des sites pornos qu'il fréquente. Jon se confie à Esther en expliquant qu'il a évidemment failli mais aussi que Barbara ne lui a laissé aucune chance. Esther avoue à son tour qu'elle a perdu, dans un accident de la route, son mari et leur fils. Ils deviennent amants et, étonnamment, s'épanouissent l'un l'autre. 
Monica Martello
(Brie Larson)

Jon annonce à ses parents sa rupture avec Barbara, décision que seule sa soeur, Monica, pourtant jusqu'alors indifférente à son histoire, approuve en lui affirmant que cette fille voulait surtout un mec qu'elle pourrait contrôler. Jon s'engage alors pleinement avec Esther, libéré de son addiction, enfin heureux, et la rendant aussi heureuse.

Pour son premier film, qu'il a écrit, réalisé et dans lequel il tient le premier rôle, on reconnaîtra à Joseph Gordon-Levitt une réelle audace quant au choix du thème abordé. Mais l'affiche est au diapason du pitch, trompeuse, et le résultat, bien que divertissant, souvent drôle, avec un rythme soutenu, une interprétation épatante, ne satisfait pas vraiment : à la fin de cette histoire, la perplexité l'emporte sur le plaisir. Ce qui est en soi une parfaite métaphore du sujet... 

Au crédit de son auteur, on soulignera que ce long métrage séduit par sa concision - 90 minutes - et son casting - qui intrigue et attire. Mais la forme ne doit pas dissimuler les faiblesses du fond. Derrière ce portrait mordant d'un obsédé de la "pignole", le culot est en vérité de surface : il y a bien quelques images osées mais fulgurantes, et cette manière de montrer mais pas trop révèle bien l'hypocrisie du projet. Parler du porno, soit, mais dans les limites autorisées par la censure : le film procède ainsi, en nous aguichant constamment, mais sans aller plus loin, et sans réfléchir franchement à ce qu'il prétend traiter.

Jon Martello n'est pas un personnage attachant, mais pire : on ne croit pas à sa rédemption acquise dans le dernier tiers du film empruntant maladroitement une direction mélodramatique et moralisatrice. En fait, le récit fonctionne mieux quand Gordon-Levitt ne cherche pas à excuser son héros et le joue en conséquence, c'est-à-dire comme un phallocrate égocentrique. La première heure est ainsi très tonique et abonde en scènes souvent drôles, parfois délicieusement absurdes (les confessions régulières à l'église de Jon, le supplice que lui inflige Barbara, l'attitude détachée de sa soeur dont on devine qu'elle va finir par réagir de façon décisive, le machisme pathétique du père). 

Mais quand, dans sa dernière ligne droite, l'auteur-réalisateur-interprète abat son jeu, sa manoeuvre pour racheter son héros est tellement grossière, appuyée, qu'elle gâche tout. Ce qui nourrissait une exquise ambiguïté auparavant - Barbara (jouée par Scarlett Johansson, pourtant épatante dans un rôle où ses charmes sont certes spectaculairement mis en avant mais où elle trouble surtout par son mystère) est-elle une allumeuse ? Pourquoi la maniaquerie ménagère de Jon la dérange-t-elle tant ? Que veut réellement Esther (campée par une Julianne Moore sans surprise et qui se contente du minimum) ? - fait malheureusement "pschiit". La bombe sexuelle est finalement une emmerdeuse trop exigeante au sentimentalisme caricatural ; la femme d'âge mûr une triste veuve qui enseigne la sagesse tout en saisissant l'opportunité de se consoler en apaisant un jeune homme ; la mère s'effondre quand elle comprend qu'elle ne sera pas grand-mère lorsque le fils chéri a quitté sa chère et tendre ; le père (incarné par Tony Danza, positivement étonnant et bien loin de Madame est servie) regrette de ne plus voir sa potentielle belle-fille avec laquelle il se rinçait ostensiblement l'oeil. Dans cette galerie peu reluisante, seul le personnage de la soeur cadette (formidable Brie Larson, hélas ! sous exploitée) surprend lors d'une brève mais lucide tirade (l'effet est d'autant plus explosif qu'il intervient quand on s'y attend le moins).

Si le film possède un swing évident, Gordon Levitt ne l'obtient souvent qu'au prix d'effets faciles, un montage très haché, une photo parfois tape-à-l'oeil. Comme le nombre de fois, excessive (sans pudibonderie de ma part), où il va se soulager devant l'écran de son PC, le résultat tourne en rond et donne le sentiment que le réalisateur s'essuie les mains et répète les mêmes cadrages (l'emploi de la stroboscopie pour figurer l'orgasme devient vite usant) au lieu de se poser un peu pour laisser vivre ses personnages, respirer son histoire (ainsi, quand, enfin, Jon trouve enfin l'amour, cela est-il filmé avec la même frénésie visuelle).

Le projet, ambitieux mais maladroitement appliqué, confirme que lorsque les acteurs passent derrière la caméra (en choisissant ou non de rester aussi devant), il existe deux catégories : ceux qui apprennent des cinéastes les plus doués qui les ont dirigés (comme George Clooney par exemple), et ceux qui veulent en mettre plein la vue en oubliant l'idée prometteuse qui les a motivés. On ne va pas jeter Joseph Gordon-Levitt avec l'eau du bain, mais préférer le revoir seulement jouer - ou remettre en scène avec plus de sobriété.

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