lundi 6 mars 2017

LA VIE ENTRE DEUX OCEANS, de Derek Cianfrance (2016)


UNE VIE ENTRE DEUX OCEANS (The Light Between Oceans) est un film réalisé par Derek Cianfrance.
Le scénario est écrit par Derek Cianfrance, d'après le roman de M. L. Stedman. La photographie est signée Adam Arkapan. La musique est composée par Alexandre Desplat.


Dans les rôles principaux, on trouve : Michael Fassbender (Tom Sherbourne), Alicia Vikander (Isabel Sherbourne), Rachel Weisz (Hannah Roennfeldt), Jack Thompson (Ralph Addicott), Bryan Brown (Septimus Potts), Leon Ford (Frank Roennfeldt), Florence Clery (Lucy-Grace Roennfeldt).
 Tom Sherbourne
(Michael Fassbender)

1918. Héros de la Grande Guerre, Tom Sherbourne obtient la place de gardien du phare de Janus Rock, situé au large des côtes d'Australie occidentale. Sur le continent, il rencontre et tombe amoureux d'Isabel Graysmark, qui est éprise de lui et accepte de devenir sa femme. 
Tom et Isabel Sherbourne
(Michael Fassbender et Alicia Vikander)

Mais leur union est ponctuée les trois années suivantes par deux terribles drames : la jeune femme subit deux fausses couches et craint alors de ne plus jamais avoir d'enfant. C'est alors qu'une chaloupe s'échoue sur l'île avec à son bord un homme, mort, et un nourrisson, encore en vie. 
Tom, Isabel et Lucy Sherbourne

Bien qu'elle sache que son mari doit signaler cette découverte, Isabel convainc Tom de ne pas le faire et d'adopter l'enfant qui, sinon, en est-elle persuadée, sera placé dans un orphelinat. Ils n'auront qu'à faire croire aux Graysmark et à leur entourage qu'il s'agit de leur bébé, né prématurément. Tom accepte, à contrecoeur, pour combler le désir maternel d'Isabel. 
Hannah Roennfeldt
(Rachel Weisz)

Mais le jour du baptême, sur le continent, Tom remarque Hannah Roennfeldt dans le cimetière attenant à la chapelle. Son ami Ralph Addicott lui raconte le drame vécu par cette femme dont le mari, Frank, un allemand persécuté, a pris une nuit la mer avec leur bébé et s'est perdu en mer il y a trois ans. Sherbourne comprend qu'il s'agit de la mère de Lucy, "leur" fille à lui et Isabel. 
Ralph Addicott
(Jack Thompson)

Isabel découvre également la vérité sur Hannah à l'occasion d'une réception donnée par Tom sur Janus Rock pour le 40ème anniversaire du phare à laquelle elle se rend avec sa soeur, Gwen, et leur père, le riche Septimus Potts.. 
Tom, Isabel et Lucy

Pris de remords depuis la première fois qu'il a appris le passé d'Hannah, Tom a successivement déposé dans sa boîte aux lettres un bref message pour l'informer que son mari était "dans les mains de Dieu" et leur fille en sécurité et aimée, puis un hochet trouvé à côté du nourrisson dans la chaloupe. L'objet présenté à la police convainc un sergent de lancer un avis de recherche accompagné d'une récompense pour quiconque aurait des informations à son sujet. 
Hannah Roennfeldt et Septimus Potts
(Rachel Weisz et Bryan Brown)

Tom et Isabel sont dénoncés par un collègue de Ralph Addicott. Sherbourne insiste pour assumer seul la responsabilité de l'affaire tandis que Lucy est rendue à Hannah, qui la prénomme Grace comme lorsqu'elle l'avait mise au monde. Tom est également accusé d'avoir tué Frank et doit être présenté devant un juge à Albany. Invitée par ses parents à pardonner son mari et par Hannah, prête à témoigner en leur faveur car elle a compris que sa fille aimerait toujours les Sherbourne comme son autre famille, Isabel décide de partager les torts avec Tom.
Isabel

1950. Après la mort d'Isabel, Tom s'est retiré à la campagne. Il reçoit alors la visite d'une jeune femme qui n'est autre que Lucy-Grace, désormais mère d'un petit Christopher, et qui désire rendre visite fréquemment à l'homme qui l'a jadis sauvée et élevée comme sa propre fille.

The Place beyond the pines (2013) avait prouvé l'ambition et la puissance romanesque du cinéma de Derek Cianfrance en développant un drame sur la filiation sur deux générations et trois époques, le tout inscrit dans les codes du film noir. Le cinéaste s'affirmait comme un auteur à surveiller, rivalisant avec un James Gray dans la volonté de perpétuer un classicisme à la fois épique et intime tout en ayant sa propre singularité stylistique.

Il y a donc comme une évidence à le voir adapter le best-seller de M.L. Stedman, un pur mélodrame, totalement assumé, à l'académisme élégant, qu'il prend le temps (135 minutes) de raconter sans jamais ennuyer - la gestion du rythme étant un autre de ses atouts - pour mieux en cerner les enjeux, en creuser les tragédies, en révéler les rebondissements, et le conclure d'une manière mélancoliquement émouvante.

Cianfrance opère aussi en vérité une sorte de synthèse entre la veine romantique de son premier opus (Blue Valentine, 2010) et la fresque de son deuxième effort (The Place...). Mais la critique a modérèment goûté au résultat, jugé trop classique, et le public ne s'est pas déplacé pour infirmer cet avis. C'est dommage, même si, effectivement, tout n'est pas parfait.

Pourtant, The Light between Oceans dispose de vraies qualités, au premier rang desquelles son couple d'acteurs qui a, magiquement, trouvé à s'aimer à la ville en étant ici réunis à l'écran. Michael Fassbender succède donc à Ryan Gosling pour incarner ce mâle à la fois charismatique et fragile, taraudé par sa conscience et hanté par ses fautes passées (il culpabilise autant d'avoir survécu à la boucherie de la guerre de 14-18 que d'avoir cédé à son épouse en élevant avec elle un enfant arraché par un destin cruel à sa vraie mère). C'est d'abord son mystère, ses souffrances, ses regrets, mais aussi son son amour inconditionnel bataillant avec son intégrité morale qui anime le film et auquel l'acteur donne une intensité intériorisée toujours aussi impressionnante.

Mais Alicia Vikander est également remarquable en épouse-mère qui initie la faute originelle tout en ayant, elle aussi, subi de terribles épreuves : le dilemme final auquel elle devra faire face (partager la responsabilités des actes commis avec un homme qui l'a privé de ce qu'elle chérissait le plus, ou lui conserver une rancune éternelle en devant voisiner avec la vraie mère de sa fille) est superbement exprimé par le jeu vibrant de la belle suédoise.

Si Fassbender et Vikander insufflent de la lumière et de gravité au récit, et que Cianfrance réussit admirablement à décrire leur passion agrégée sur un vol d'enfant, on ne saurait être aussi élogieux avec la prestation de Rachel Weisz, absolument horripilante alors que son personnage devrait inspirer une légitime compassion. Un choix de casting et une interprétation (mal dirigée ?) qui ruine une bonne partie de l'ouvrage subtilement brodé avant son entrée en scène. Dommage.

En fait, donc, tant que l'action reste sur l'île - décor majestueux autant qu'inquiétant, superbement photographié par Adam Arkapaw (les images de l'océan tour à tour agité et calme mais dont la surface est ridée dans de sublimes couchers de soleil - et concentrée sur le couple Sherbourne (à la fois maudit, uni et déchiré), le film possède un lyrisme poignant. Dès qu'il s'éloigne de ce quasi-huis clos, il s'étiole, s'égare dans des scènes lacrymales.

Il faudra attendre le prochain opus de Cianfrance pour savoir s'il persiste dans cette inspiration ou change de registre. Ce réalisateur a en tout cas assez de talent pour rebondir - et surprendre. 

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