vendredi 3 mars 2017

PASSENGERS, de Morten Tyldum (2016)


PASSENGERS est un film réalisé par Morten Tyldum.
Le scénario est écrit par Jon Spaihts, d'après la nouvelle Le Voyage gelé de Philip K. Dick. La photographie est signée Rodrigo Pietro. La musique est composée par Thomas Newman.


Dans les rôles principaux, on trouve : Chris Pratt (Jim Preston), Jennifer Lawrence (Aurora Lane), Michael Sheen (Arthur), Laurence Fishburne (Gus Mancuso).
 Le vaisseau Avalon en route pour la planète colonisée Homestead II

L'Avalon est un vaisseau spatial de la compagnie Homestead programmé pour atteindre Homestead II, planète colonisée par les terriens pour lutter contre la surpopulation. A bord se trouve 258 membres d'équipage et 5 000 passagers, tous placés en animation suspendue dans des capsules individuelles. Mais après trente ans  de traversée sans problème, une pluie de météorites percute l'appareil et y provoque une série d'avaries mineures - à l'exception d'une...
Jim Preston
(Chris Pratt)

En effet, l'un des passagers, le mécanicien Jim Preston est prématurément réveillé. Désorienté, il comprend cependant vite la situation et s'y résigne lorsque sa tentative d'alerter la Terre prendra 55 ans. Il erre à bord de l'Avalon, localise les quartiers des officiers (encore encormis) mais ne peut y pénétrer car la porte est impossible à ouvrir pour des raisons de sécurité préétablies.  
Arthur
(Michael Sheen)

Jim n'a pour seule compagnie qu'Arthur, un androïde barman à qui il confie ses doutes et tourments sans y trouver de vrai réconfort. Contre mauvaise fortune bon coeur, il entreprend alors de profiter du vaisseau en l'inspectant, en expérimentant les distractions qu'il offre, mais il est rattrapé par la dépression au bout d'un an de solitude. C'est alors qu'il retourne dans la salle où les passagers sont encore en hibernation...
Aurora Lane et Jim Preston
(Jennifer Lawrence et Chris Pratt)

Jim découvre dans une des capsules Aurora Lane, romancière et journaliste, dont il tombe amoureux. Il hésite d'abord puis prend la décision de la réveiller, en lui racontant ensuite que cela est dû à une avarie. D'abord confuse puis paniquée, elle admet à son tour ce "coup du sort". Progressivement, les deux jeunes gens deviennent amis et amants, après une cour assidue de Jim. 
Aurora et Jim

Mais Aurora apprend, le jour de son anniversaire, par Arthur que c'est Jim qui l'a réveillée. Furieuse, elle le rejette alors qu'il s'apprêtait à lui demander de l'épouser. Désormais elle s'emploie à l'éviter, chacun se réservant même une soirée en compagnie d'Arthur. Mais tandis qu'Aurora s'entête, Jim remarque, troublé, des anomalies successives dans le fonctionnement des robots du vaisseau : d'abord anodins, ces dysfonctionnements deviennent de plus en plus sérieux.   
Jamais plaisant d'être réveillée trop tôt...

La situation prend un tour nouveau lorsqu'un officier est réveillé à son tour accidentellement. Gus Mancuso avec Jim et Aurora procèdent à une inspection fouillée de l'Avalon et constatent une série de pannes qui compromet à terme toute l'expédition et la vie des autres passagers. Toutefois, Mancuso s'avère gravement malade et meurt peu après avoir réussi à réconcilier Aurora et Jim afin qu'ils sauvent la mission. 
Attention, ça va chauffer !

Le couple localise la source des pépins techniques dans le réacteur nucléaire du vaisseau, en surchauffe. Au prix d'une manoeuvre périlleuse au cours de laquelle il est éjecté dans le vide sidéral, Jim réussit à réparer le refroidissement. Le vol de l'Avalon est sauvé. Aurora apprend par son amant qu'elle a une possibilité d'être à nouveau placée en animation suspendue grâce à une procédure manuelle - ce qui condamnera évidemment Jim à rester seul jusqu'à sa mort car il faudra encore 88 ans pour que le vaisseau atteigne Homestead II. 
(Presque) cent ans de solitude...

Quand l'équipage et les passagers sont réveillés après tout ce temps, ils découvrent, éberlués, dans le grand hall central de l'Avalon un immense jardin cultivé par Aurora et Jim jusqu'à leur mort, ensemble.

Tout le monde connaît cet aphorisme : "l'important n'est pas la destination mais le chemin" sans toujours savoir qu'il est signé Lao Tseu. Une manière de relativiser l'importance de l'objectif à atteindre au profit du trajet qu'il impose pour (peut-être) y  parvenir. On ne s'attend guère non plus à ce qu'un blockbuster programmé comme Passengers soit bâti sur le développement d'une citation d'un penseur chinois. Et pourtant c'est ce qu'ose ce divertissement SF à la fois calibré et étonnant, adapté d'une nouvelle de Philip K. Dick, l'autre invité inattendu de cette super-production (même si l'écrivain adepte d'uchronies sophistiquées a inspiré Blade Runner de Ridley Scott en 1982 ou Total Recall de Paul Verhoeven en 1990 - pas précisément des oeuvres low-cost).

Quand Jim Preston, réveillé accidentellement de son hibernation pour un voyage galactique, considère que quasiment cent ans de solitude l'attende (et qu'il sera mort avant ce terme), en n'ayant pour seule compagnie qu'un androïde barman - évoquant celui démoniaque de l'Hôtel Overlook dans Shining (1980), de Stanley Kubrick, et ici joué par l'épatant Michael Sheen - , la découverte d'une jolie romancière endormie le motive à une décision égoïste mais vitale s'il ne veut pas sombrer dans la folie.

Et qui résisterait à passer le reste de sa vie avec Jennifer Lawrence ? (Pas moi !...) La réaction de Chris Pratt, comme toutes celles qui vont suivre dans la relation de leur couple, est crédible et dynamise un récit surprenant aussi par son dépouillement - Pratt est seul à l'écran pendant une demie heure et avec Lawrence pendant 95 % du film : on n'est pas habitué à un casting aussi minimal pour une production aussi ambitieuse. Ainsi resserrée sur deux personnages, l'histoire réfléchit, subtilement aussi sur les niveaux sociaux du vaisseau et les inégalités que cela révèle : Jim ne peut ainsi ni pénétrer dans la chambre forte où dorment les membres de l'équipage ou s'offrir des plats tout préparés trop chers réservés aux passagers les mieux nantis. L'Avalon reproduit des classes comme une société et il apparaît clairement d'ailleurs qu'Aurora est issue d'un milieu plus privilégié que celui de Jim (les motivations de la jeune femme pour ce périple sont d'ailleurs plus touristiques alors que pour le mécanicien, aller sur Homestead II était une opportunité de refaire sa vie, de profiter d'une seconde chance).

Le script de Jon Spaihts est passé de main en main (Keanu Reeves ou Reese Witherspoon ont été brièvement attachés au projet) pendant dix ans avant avant que Morten Tyldum en hérite, auréolé du succès critique et public de son précédent opus (Imitation Game), et dispose de deux des stars les plus bankables du moment avec Chris Pratt (dont la côte à grimpé en flèche après les hits des Gardiens de la Galaxie et Jurassic World) et Jennifer Lawrence (en première classe depuis son Oscar pour Happiness Therapy et les cartons des franchises Hunger Games et X-Men). Grâce à cette équipe, le récit a non seulement gagné en glamour sans perdre en talent et en bénéficiant d'un budget conséquent (même si le résultat ne sombre jamais dans une surenchère d'effets spéciaux).

Sa dimension théâtrale assumée (un huis clos en trois actes) ajoute à la singularité de Passengers, au point qu'on ne peut lui reprocher ses héros trop beaux (ma foi, c'était aussi le cas dans Gravity) ni l'enchaînement convenu des rebondissements (la solitude, la romance, la crise, la catastrophe, la "happy end") : c'est très efficace, bien dosé, alternant entre gravité (un peu), légèreté et suspense. Les deux comédiens sont complices et complémentaires : Pratt est d'une parfaite sobriété, très juste en garçon dépassé par les événements, tandis que Lawrence est toujours aussi féminine et subtile en jeune femme confrontée à bien des surprises.

Soulevant des questions troublantes (voler la vie de quelqu'un pour ne pas finir seul est-il moral ?), mis en scène de manière mesurée (Tyldum n'est ni Tarkovski ni Kubrick, c'est entendu, mais pas non plus un simple technicien compétent), ce divertissement est captivant et fin : une combinaison rare qui prouve que si, "dans l'espace personne ne vous entend crier" (dixit Alien, Ridley Scott, 1979), on peut y percevoir une pensée.  

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