jeudi 30 mars 2017

PERFECT MOTHERS, d'Anne Fontaine (2013)


PERFECT MOTHERS est un film réalisé par Anne Fontaine.
Le scénario est écrit par Anne Fontaine et Christopher Hampton, d'après le roman Les Grands-Mères de Doris Lessing. La photographie est signée Christophe Beaucarne. La musique est composée par Christopher Gordon.


Dans les rôles principaux, on trouve : Naomi Watts (Lil), Robin Wright (Roz), Xavier Samuel (Ian), James Frecheville (Tom), Ben Mendelsohn (Harold), Gary Sweet (Saul), Jessica Tovey (Marie), Sophie Lowe (Hannah).
 Roz et Lil
(Robin Wright et Naomi Watts)

Amies depuis l'enfance, désormais quadragénaires, Roz et Lil sont mères de deux garçons de dix-huit ans, Tom et Ian, qui s'entendent comme des frères. Lil est veuve,, Roz mariée à Harold, un enseignant qui se voit proposer un poste de maître conférencier à Sydney  - mais la perspective d'un déménagement déplaît à Roz. 
Ian et Tom
(Xavier Samuel et James Frecheville)

Un soir, en l'absence de Harold, après avoir dîné avec Lil et leurs garçons, Roz accepte que ces derniers dorment chez elle. Ne trouvant pas le sommeil, tout comme Ian, elle cède à ses avances et couche avec lui, sans qu'ils remarquent que Tom les a surpris. 
Roz, Lil, Tom et Ian

Confus et en colère, le lendemain, il va voir Lil et lui avoue tout. Ebranlée, elle succombe à son tour au charme de Tom et couche avec lui. Tous deux conscientes de leur erreur, elles décident que cela ne doit pas se répéter et rompent avec les garçons. Mais Ian réussit à convaincre Roz de poursuivre leur liaison, tout comme Tom reste l'amant de Lil.  
Ian et Roz

Admettant qu'ils sont heureux ainsi, ils veillent à rester discrets. Mais quand Harold rentre de Sydney, Roz lui fait comprendre qu'elle ne s'installera pas avec lui en Australie et que leur fils ne veut pas le suivre non plus. 
Lil et Tom

Deux ans passent. Ian travaille désormais dans la société de construction de yachts où officie sa mère tandis que Tom étudie l'art dramatique et a l'opportunité de mettre en scène une pièce de théâtre à Sydney, où son père a refait sa vie. Il y rencontre une jeune actrice, Marie, à qui il confie le rôle principale et dont il devient l'amant. Lil devine rapidement la situation et s'y résigne douloureusement. Roz appréhende à son tour le moment où Ian finira lui aussi par la quitter pour une fille plus jeune et, à l'occasion du retour de Tom, les deux femmes mettent un terme avec les garçons pour éviter à tout le monde de souffrir. 
Roz et Lil

Tom épouse Marie, Ian rencontre Hannah lors du mariage et bientôt s'installe avec elle. Les deux fils deviennent pères. Lil et Roz deviennent des grands-mères heureuses. Jusqu'à ce soir où, après avoir dîné tous ensemble, Lil rentre chez elle. Tom la rejoint discrètement et ils font l'amour. Surpris par Ian, celui-ci révèle la vérité à Roz, Marie et Hannah. Ces dernières s'en vont avec leurs enfants.  
Lil, Tom, Roz et Ian

Le temps passe. A nouveau près les uns et des autres, Ian et Roz et Lil et Tom redeviennent amants.

Anne Fontaine n'a pas froid aux yeux et a toujours aimé explorer des sujets où le désir provoque des drames, de la romance avec un serial killer (Entre ses mains, 2002) au retour de flamme d'un avocat protégé par un chauffeur jaloux (La Fille de Monaco, 2008) en passant par la passion suscitée par un jeune homme au sein d'un couple rangé (Nettoyage à sec, 1997) ou l'étrange marché passé entre une femme mariée et une prostituée (Nathalie, 2003). Une filmographie riche, servie par de grands acteurs, qui lui a permis d'acquérir une belle réputation internationale, suffisante pour convaincre deux actrices renommées pour cette adaptation d'une novella de Doris Lessing, Prix Nobel de Littérature en 2007.

Dès les premiers plans de cette histoire (aussi exploitée en salles sous le titre Adoration ou Adore), la réalisatrice filme une sorte d'Eden au coeur duquel le serpent est déjà là, prêt à tenter deux femmes, deux mères, observant leurs fils respectifs de manière étonnante, avec fierté et concupiscence : "on dirait deux jeunes dieux."

Dans le cadre paradisiaque de la Nouvelle-Galles du Sud, sous un ciel uniformément bleu et sur les plages de sable blanc caressées par les vagues de la mer de Tasman, c'est un huis-clos en plein air qui va se jouer entre les deux héroïnes qui y ont grandi, s'y sont mariées, y sont devenues mères. Ce sont deux femmes magnifiques, mais à la croisée des chemins - l'une d'elles a perdu son mari, l'autre est sur le point de le quitter. Lorsque le fils de l'une couche avec la mère de son meilleur ami, ce dernier l'imite d'abord pour se venger puis de troubles sentiments naissent entre ces deux couples contre nature, s'aimant en secret mais avec passion.

Anne Fontaine était toute indiquée pour filmer cette intrigue sensuelle et vénéneuse, dont on pressent les dangers, les douleurs à venir. Elle sait à merveille installer cette atmosphère à la fois dérangeante et étrangement euphorique qui unit ces deux mères choisissant de prendre leurs fils respectifs comme amants - à moins que ce ne soient eux qui les aient choisies. Quoiqu'il en soit, c'est presque comme un lien supplémentaire entre elles, même si elles n'ont jamais eu d'attirance sexuelle l'une pour l'autre (la question est abordée mais vite balayée, dans une scène d'ailleurs dispensable et mal amenée).

Le complexe d'Oedipe des deux garçons est aussi vite expédié, cela n'intéresse pas la cinéaste qui préfère plutôt exploiter un curieux suspense sur le moment où ces ménages amoureux vont basculer, où les acteurs de cette histoire seront dépassés par les événements. Plusieurs fois Lil et Roz, dans un accès de lucidité, de honte ou de remords, essaient de rompre, mais rien n'y fait, pas même lorsque les fils deviendront maris et pères. Toujours, comme les flux et reflux de la mer sur la plage, le désordre l'emporte sur l'ordre, la folie amoureuse et la fièvre sexuelle sur la raison. Et c'est en filmant cela avec douceur, avec une tranquillité perverse, qu'Anne Fontaine souligne l'amoralité des faits.

Pourtant aucun jugement dans la narration : le scénario co-écrit avec Christopher Hampton évite toute explication facile, déroulant le récit sur plusieurs années, lui conférant ainsi une profondeur encore plus vertigineuse. Une cruauté raffinée désigne comment les mères et leurs fils font progressivement le vide autour d'eux. Et quand une pause survient, comme lorsque Lil et Roz devenues grands-mères, accompagnent leurs fils, belles-filles et petites filles à la plage, derrière une félicité de façade sourd un malaise intense.

Robin Wright et Naomi Watts rivalisent de talent et de séduction pour interpréter cette partition subtile, la seconde bénéficiant tout de même du personnage le plus équivoque, le plus fragile, auquel elle sait donner un force frémissante remarquable. Qu'importe alors que les deux acteurs incarnant les fils ne soient pas très expressifs, leurs mères de cinéma emportent tout sur leur passage.

Dans cette histoire souvent fascinante, par sa beauté visuelle et son raffinement narratif, on a en définitive affaire à quatre êtres qui, même s'ils le voulaient vraiment, seraient incapables de se séparer : le dernier plan les montre d'ailleurs, en plongée, allongés les uns à côté des autres, comme épinglés sur un tableau, bercés par le roulis des vagues - ou le flot de la vie.

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