dimanche 5 février 2017

STALAG 17, de Billy Wilder (1953)


STALAG 17 est un film réalisé par Billy Wilder.
Le scénario est écrit par Billy Wilder et Edwin Blum, d'après la pièce de Donald Bevan et Edmund Trzcinski. La photographie est signée Ernest Lazslo. La musique est composée par Franz Waxman.


Dans les rôles principaux, on trouve : William Holden (J.J. Sefton), Otto Preminger (colonel Von Scherbach), Don Taylor (lieutenant James Dunbar), Harvey Lembeck (Harry Shapiro), Richard Strauss (Stanislas Kasava), Peter Graves (Price), Richard Erdman (sergent "Hoffy" Hoffman).
 Bienvenue au Stalag 17 !

1944. La semaine de Noël. Clarence "Cooke" Cook" nous raconte l'histoire des prisonniers de guerre détenus dans les Stalag 17 appartenant au camp dirigé par le colonel Von Scherbach. Après une tentative d'évasion ratée de deux détenus américains, les occupants du baraquement sont convaincus qu'un des leurs informe les allemands. 
J.J. Sefton
(William Holden)

Les soupçons se portent aussitôt vers J.J. Sefton, un  profiteur cynique qui a appris à ne compter que sur lui-même, mais qu'aucune preuve ne permet d'accabler. Dans le camp, la vie de prisonniers est rythmée par différents rituels : la réception du courrier, la préparation des repas (toujours infects), le nettoyage des latrines...  
J.J. Sefton, Harry Shapiro et Stanislas Kasava
(William Holden, Harvey Lembeck et Richard Strauss)

Von Scherbach tient avec fermeté mais courtoisie l'ordre dans l'endroit, estimant qu'il respecte la Convention de Genève. Toutefois, il n'hésite pas à réprimer sévèrement tout manquement au règlement, de la part de ses hommes comme des détenus. Encore une fois, seul Sefton semble s'en accommoder. 
(Au centre) le colonel Von Scherbach
(Otto Preminger)

Ainsi quand il est vu en train de soudoyer un garde pour entrer dans le baraquement de prisonnières russes, il est à nouveau accusé d'être un espion à la solde des geôliers. La situation se tend encore plus lorsque le lieutenant James Dunbar, arrêté après avoir saboté un train rempli de munitions, arrive au camp et que Sefton le reconnait parce qu'il est comme lui natif de Boston mais issu d'une famille aisée. 
Peu avant Noël 1944...

Quand Dunbar est emmené dans le bureau de Von Scherbach pour y être interrogé, les prisonniers tabassent Sefton, certains  que c'est lui qui a révélé comment l'officier a piégé le train. Rancunier, Sefton va alors s'employer à démasquer le traître et il découvre qu'il s'agit de Price, l'homme de confiance élu par les détenus du Stalag 17, en surprenant une discussion entre ce dernier et Schulz, le second du colonel. Mais encore faut-il qu'il puisse le prouver aux autres... 
Price
(Peter Graves)

Le jour de Noël, Dunbar doit quitter le camp, embarqué par les SS. Les prisonniers organisent une diversion pour empêcher cela et permettre au lieutenant de se cacher dans le camp. Von Scherbach fait fouiller tout l'endroit au peigne fin et sanctionne les détenus. Le sergent "Hoffy" Hoffman décide d'exfiltrer Dunbar et Price se propose pour cette mission. 
Le "mouchard" de Von Scherbach a été tué.

Sefton choisit ce moment pour le confondre en révélant aux autres comment le traître communiquait des informations à Schulz (au moyen de messages glissés dans des pièces d'échec évidées et du fil de l'ampoule du plafonnier délié ou non avant les sorties des prisonniers du baraquement).
Lieutenant James Dunbar et J.J. Sefton
(Don Taylor et William Holden)

Sefton se dévoue alors pour faire sortir Dunbar du camp pendant que les autres sacrifient Price pour déjouer l'attention des gardes. Von Scherbach et Schulz découvrent, médusés, que leur "mouchard" est mort sous les balles des gardes sans s'être aperçus de l'évasion du lieutenant et de son complice.

Tourné, exceptionnellement, dans l'ordre chronologique des scènes, le script de Billy Wilder et Edwin Blum est une adaptation libre de la pièce écrite par Donald Bevan et Edmund Trzcinski, d'après les souvenirs de prisonnier de guerre de ce dernier. Cette version était si remaniée que, de l'aveu même des acteurs (dont beaucoup jouèrent la pièce au théâtre), personne ne savait qui serait le traître dans le film !

Le personnage de J.J. Sefton fut d'abord proposé à Charlton Heston et Kirk Douglas (que Wilder dirigea dans Le Gouffre aux Chimères, en 1951) avant de revenir à William Holden. Inspiré par Joe Palazzo, un compagnon de détention de Trzcinski, le rôle vaudra un Oscar à l'acteur, mais il n'apprécia que modérément la récompense, dit-on, car il pensait qu'on la lui attribuait pour compenser celle qu'il ne reçut pas pour Boulevard du Crépuscule (1950) - il se fendra d'ailleurs d'un remerciement laconique (un simple "merci").

Pour Wilder, il s'agissait, en acceptant cette commande, de rebondir après l'échec, critique et commercial, cuisant du Gouffre aux Chimères (un des rares bides qu'il ne digéra jamais, lui qui considérait le jugement des salles comme la seule vraie sanction). Pari gagné : ce fut son plus gros succès pour le compte de la Paramount, même si le studio ne le paya pas... Pour se rembourser du four du Gouffre... !

Le cinéaste livre une charge à peine voilée contre le Maccarthysme avec cette histoire où des américains cherchent des traîtres partout  - de fait, Stalag 17 relègue au second plan le conflit entre les prisonniers et leurs geôliers allemands. Que la victime ne soit pas un saint mais un malin cynique et jouisseur (admirablement joué par Holden, qui préfigure d'autres rôles similaires dans sa carrière - voir Le Pont de la Rivière Kwaï ou La Horde Sauvage - mais aussi le personnage de Steve McQueen dans La Grande Evasion) ajoute à l'ambiguïté jouissive du propos et confirme la misanthropie de Wilder (dont Sefton restera un des héros favoris). En saluant ses camarades de manière acide ("si nous nous rencontrons un jour dans la rue, faisons comme si nous ne nous connaissions pas."), il se permet jusqu'au bout d'exprimer le mépris qu'il ressent pour cette communauté à la solidarité hypocrite, avec le soutien du public qui a été témoin de l'injustice de son traitement.

Le scénario comme la mise en scène sont des modèles du genre, conjuguant avec précision la vie dans le camp à une intrigue quasi-policière et une caractérisation puissante. La touche d'humour apportée par le facétieux duo Harvey Lembeck-Richard Strauss évite aussi de sombrer dans le mélo, préservant un certain humanisme (et évoquant La Grande Illusion de Jean Renoir).

Soutenu par un casting remarquable (dont Otto Preminger, que Wilder, dont la famille périt à Auschwitz, titillait sur ses origines germaniques), Stalag 17 est un peu mésestimé par rapports à d'autres chefs d'oeuvre de son réalisateur : c'est pourtant un opus formidable, drôle, palpitant et émouvant, qui dépasse l'exercice de style pour aboutir à une réflexion sans concessions mais pleine de malice sur la solidarité et la confiance.

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