jeudi 4 mai 2017

MAESTRO, de Léa Fazer (2014)


MAESTRO est un film réalisé par Léa Fazer.
Le scénario est écrit par Jocelyn Quivrin et Léa Fazer. La photographie est signée Lucas Leconte. La musique est composée par Clément Ducol.


Dans les rôles principaux, on trouve : Pio Marmaï (Henri Renaud), Michaël Lonsdale (Cédric Rovère), Déborah François (Gloria), Alice Bélaïdi (Pauline), Nicolas Bridet (Nico), Dominique Reymond (Francine), Micha Lescot (José), Grégory Montel (Sam).
 Henri Renaud et Cédric Rovère
(Pio Marmaï et Michaël Lonsdale)

Jeune acteur, plus friand de films d'action hollywoodiens que de cinéma d'art et d'essai, Henri Renaud, recommandé par son amie Pauline, passe une audition pour le nouveau film de Cédric Rovère, inspiré des Amours d'Astrée et Céladon. Contre toute attente, il est retenu pour un rôle !
Gloria, Henri, Pauline, Nico, Francine et Rovère
(Déborah François, Pio Marmaï, Alice Belaïdi, Nicolas Bridet,
Dominique Reymond et Michaël Lonsdale)

Mais une fois sur le plateau de tournage, qui se déroule en plein air dans la campagne, c'est la désillusion pour Henri et son meilleur pote, Nico, qui l'a accompagné pour faire de la figuration : l'hôtel où ils logent est une modeste auberge, les répétitions ont lieu dans un cloître abandonné, les comédiens doivent jouer sans y mettre de sentiment et son vêtus de jupettes. Tout ça pour un salaire de 2 700 Euros ! 
Gloria
(Déborah François)

Seul point positif dans cette galère : la présence de la ravissante Gloria, fan absolue de Rovère... Mais également convoitée par Pauline ! Le tournage débute mal avec la défection de l'acteur principal - dont Henri hérite du rôle et pour lequel il doit apprendre à jouer du biniou, flanqué d'un chien qu'il lui faut dresser - et les travaux dans les champs des paysans aux alentours perturbent les prises de vue - ce qui obligera à réenregistrer la majorité des sons en post-synchronisation.   
Francine et Rovère
(Dominique Reymond et Michaël Lonsdale)

La régisseuse (et caméra-woman occasionnelle), Francine, totalement dévouée à Rovère, se désole de ces conditions mais le cinéaste ne s'en formalise pas, tout entier concentré sur sa tâche. Gloria tente de responsabiliser Henri, surpris lors d'une scène, où il n'apparaissait qu'en arrière-plan, en train de répondre au téléphone, mais Rovère lui conserve sa confiance intacte. Le jeune homme, touché, se surpasse alors et s'émeut même de la solidarité de l'équipe et de la beauté poétique de l'intrigue - quand bien même il déplore lorsque certains ricanent lorsqu'il exprime son admiration pour Bruce Willis ou les émules de l'Actor's studio.
Henri et Gloria

Pour séduire Gloria, Henri n'hésite pas, entre deux prises, à réciter des vers de Verlaine que Rovère lui a déclamé quand ils étaient seuls. La jeune femme se trouble quand, lors d'une scène de baiser, elle s'abandonne dans les bras de son partenaire... Même si ensuite, elle n'assume pas ce moment où elle a lâché prise. 
Pauline, Rovère et Henri
(Alice Bélaïdi, Michaël Lonsdale et Pio Marmaï)

Le tournage s'achève par une fête, dans une ambiance complice où chacun mesure le plaisir pris à participer à cette expérience atypique. Mais Henri ne parvient pas à conclure avec Gloria qui, honteuse, s'est enivrée, et qu'il reconduit, en grillant la politesse à Pauline, à son hôtel. Elle s'endort en prononçant le nom de Henri et il a veille, attendri. Au matin, elle a salué l'équipe avant de disparaître.   
Gloria et Rovère

Quelque temps après, Henri croise Rovère dans une librairie où le cinéaste lui annonce que le film a été sélectionné à la Mostra de Venise. Le jeune homme accompagne le maestro et retrouve sur place Gloria : grâce à leur metteur en scène, ils peuvent enfin s'avouer leur amour - et exprimer, en conférence de presse, tout le respect pour Rovère et l'émotion d'avoir participé à son oeuvre.

Jocely Quivrin avait 27 ans quand il a tourné, en 2006, Les Amours d'Astrée et Céladon sous la direction d'Eric Rohmer, 86 ans. Alors qu'ils évoluaient dans des genres cinématographiques opposés, le comédien sera transformé par cette collaboration au point d'écrire une première version d'un scénario qui en était inspiré. Mais il ne tournera jamais cette auto-fiction, décédant brutalement dans un accident de la route en 2009 - Rohmer disparaîtra trois mois plus tard en 2010.

C'est une amie de l'acteur, Léa Fazer, avec l'accord de la compagne d'alors de Quivrin, Alice Taglioni, qui décide de concrétiser cet hommage, en le romançant à peine, et sous la forme d'une comédie.

Le résultat, produit avec visiblement presque aussi peu de moyens que le long métrage de Rohmer/Rovère, brille pourtant par sa générosité pétillante et son émotion pudique. Il s'agit d'abord d'un récit initiatique d'un jeune acteur, dont la carrière ne décolle pas mais qui rêve de figurer dans un blockbuster à la testostérone et qui est embarqué dans un film artisanal. La réalisatrice épingle, gentiment, les travers inhérents à ces deux cultures : un certain snobisme de la part des tenants du cinéma d'auteur pour tout ce qui est facilement divertissant, et le sarcasme des fans des productions populaires envers les longs métrages fauchés et intimistes. Mais il ne s'agit, jamais, de régler des comptes, plutôt de montrer que, malgré leurs différences, ces deux mondes ne sont pas irréconciliables mais plutôt animés par une même passion - raconter sincèrement des histoires en espérant que le public y soit sensible.

Léa Fazer observe ce drôle d'attelage avec bienveillance, et le film est souvent drôle quand il s'agit de décrire les difficultés liés au tournage (en plein air, au milieu des champs, avec des paysans qui travaillent autour), à la direction d'acteurs (pour valoriser le texte, le dire sans sentiment), aux différences générationnelles (Rovère consulte Henri pour connaître la signification de mots argotiques, Henri apprend à savourer la poésie - quand bien même, au début, pour séduire Gloria - au contact de Rovère). Les seconds rôles contribuent à l'humour et au sens de la nuance de l'ensemble (formidables Dominique Reymond en régisseuse dévouée, Grégory Montel en assistant stressé, Micha Lescot en éphèbe précieux, et Alice Bélaïdi, solaire en amoureuse dépitée).

A ce jeu, Michaël Lonsdale, aussi bonhomme et massif que Rohmer était sec et élancé, incarne génialement ce cinéaste qui semble d'abord à l'Ouest mais qui se révèle un habile Pygmalion, philosophe et manipulateur. A ses côtés, Pio Marmaï est irrésistible de malice, grand benêt moqueur, dragueur roublard, avant d'être conquis par cette expérience. Déborah François est, comme toujours, lumineusement belle, d'une grâce délicieuse en groupie éperdue bien que maladroite pour assumer ses sentiments.

Léa Fazer a su, profondément, respecter l'esprit du sujet : c'est une histoire de transmission - celle qui consiste à concrétiser le récit de son ami disparu, mais aussi celle de la passion communiquée par un vieux cinéaste à de jeunes comédiens, et enfin celle d'émouvoir avec élégance et esprit le public. On quitte ce Maestro durablement charmé.

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