mardi 2 mai 2017

DANS LA COUR, de Pierre Salvadori (2014)


DANS LA COUR est un film réalisé par Pierre Salvadori.
Le scénario est écrit par Pierre Salvadori et David Colombo-Léotard. La photographie est signée Gilles Henry. La musique est composée par Grégoire Hetzel.


Dans les rôles principaux, on trouve : Gustave Kervern (Antoine), Catherine Deneuve (Mathilde), Féodor Atkine (Serge), Pio Marmaï (Stéphane), Nicolas Bouchaud (M. Maillard), Michelle Moretti (Colette), Oleg Kupchik (Lev), Garance Clavel (l'ex d'Antoine).
 Serge, Mathilde et Antoine
(Féodor Atkine, Catherine Deneuve et Gustave Kervern)

Insomniaque et dépressif, Antoine est engagé comme gardien d'immeuble. Il doit rapidement composer avec les locataires comme M. Maillard qui se plaint sans cesse des vélos entreposés dans la cour par Stéphane, ou des importuns comme Lev, agent de sécurité qui démarche aussi pour distribuer des brochures religieuses accompagné de son doberman. Pour tenir le coup, Antoine se bourre de Lexomil (fourni par sa conseillère Pôle Emploi) qu'il avale avec de la bière (résultat : il souffre de démangeaisons aux bras et de crampes intestinales).
Mathilde, Antoine et Colette
(Catherine Deneuve, Gustave Kervern et Michelle Moretti)

La situation va prendre un tour étrange lorsque Mathilde, la propriétaire de l'immeuble, est obsédée par une fissure sur un des murs de son salon, dont elle craint qu'elle n'annonce carrément l'effondrement prochaine de tout l'édifice. Serge tente de la rassurer comme Antoine, qui lui conseille de demander l'avis d'un ingénieur en bâtiment. Mais ses explications rassurantes de ce dernier rendent Mathilde soupçonneuse au point qu'elle tente de sensibiliser le quartier au danger, soutenue par la libraire Colette.  
Antoine et Mathilde

M. Maillard harcèle aussi Antoine au sujet de la présence supposée d'un squatteur avec un chien dans le débarras de la cour. Le concierge découvre qu'il s'agit de Lev mais ne le dénonce pas à condition qu'il reste discret (ce qui ne sera pas le cas bien sûr). Stéphane semble être le seul à apprécier Antoine pour ne pas l'embêter tout en lui confiant son passé de footballeur en Italie, dont la carrière a été interrompue à la suite d'une blessure (à moins que ce ne soit qu'un mensonge) : depuis il est devenu toxicomane et vole des vélos pour les revendre. 
Mathilde et Antoine

Mathilde convoque une assemblée générale des propriétaires d'immeubles du quartier afin de les rallier à sa cause, mais sa démonstration tourne au fiasco et provoque la colère de Serge, qui la croit devenue folle. Effrayée à l'idée qu'il la fasse interner, elle obtient qu'Antoine l'héberge dans sa loge en échange de quoi, pour lui changer les idées, il l'emmène se promener. 
Le chemin de l'enfance...

Mais cette initiative sera un échec : en revenant dans la maison où elle vécut enfant, Mathilde s'emporte contre les nouveaux propriétaires et les aménagements qu'ils ont fait. Antoine congédie Lev, excédé, et explique à Mathilde qu'ils n'iront pas mieux en restant ensemble. Puis il croise par hasard son ex-fiancée à qui il tente, maladroitement, d'expliquer pourquoi il a disparu, incapable d'apprécier son bonheur et ne voulant pas l'entraîner dans sa chute. 
"Vous savez que vous parlez à un spécialiste de l'accablement ?"

Mathilde découvrira le corps inanimé d'Antoine, mais les secours alertés échoueront à le réanimer. La mort du concierge convainc sa propriétaire de se ressaisir, en revenant vers les autres. En guise d'hommage, elle prend désormais soin du rosier qu'il avait planté dans la cour de l'immeuble.

Emule des maîtres de la comédie américaine comme Lubitsch et Wilder plus qu'héritier d'Oury et Veber, Pierre Salvadori a construit une filmographie remarquable, sur des scénarios réglés comme des mécaniques de précision et dotés d'une élégante sensibilité (Cible émouvante, Les Apprentis, Hors de prix entre autres). Avec Dans La Cour pourtant, il semble avoir voulu se laisser glisser en terre inconnue pour se renouveler mais aussi pour mieux coller à la dérive de ses personnages principaux. Ce faisant, il est sans doute moins franchement drôle mais plus émouvant.

La rencontre entre ce concierge improvisé, insomniaque et déprimé, et sa propriétaire névrosée, souffrant surtout d'être seule même en étant marié (à un homme qui doute qu'elle ait toute sa tête) donne lieu à des variations gaguesques absurdes qui font penser au cinéma de Woody Allen, le cynisme en moins, l'empathie et la tendresse en plus. Il y a là une humeur proche de Blue Jasmine, conte cruel sur le sentiment de perdition.

Ce duo hors normes et improbable est soudé par une amitié curieuse, où il n'est jamais question d'attirance sexuelle (la libido du pauvre Antoine est au point mort, Mathilde cherche davantage un compagnon d'infortune qu'un amant), mais davantage d'entraide. Du moins l'espèrent-ils... Car Antoine se rendra compte qu'ils se font plus de mal que de bien en partageant leur blues. Pourtant, malgré la morosité ambiante, le film n'est jamais plombant : on assiste à une collection de saynètes bizarres, à des relations solidaires (avec un squatteur, un voisin maniaque, un ancien footballeur - ou mythomane toxico ?). Ces doux dingues, un peu usés, les rend attachants et révèle que l'immeuble dans lequel ils habitent tous est un refuge de gens seuls, se croisant à peine, se parlant peu, mais dont le concierge devient le pivot.

Et s'il fallait en sortir pour enfin respirer ? L'initiative conduira Mathilde dans la maison où elle grandit pour qu'elle y constate que les souvenirs heureux qu'elle abritait ont tous disparus. C'est un drame beaucoup plus bouleversant qui secouera suffisamment cette femme pour lui faire prendre conscience qu'il ne faut pas s'enfermer dans le passé comme dans un appartement et savourer le présent, même s'il y est fissuré comme le mur d'une pièce à vivre.

Pour les incarner, Salvadori a eu une riche idée de casting en associant Gustave Kervern, encore une fois remarquable en type paumé et attendrissant, avec Catherine Deneuve, qui prouve une fois encore qu'elle n'a peur de rien. 

Leur couple interroge la possibilité de sauver l'autre de lui-même avant de se clore, au son de la voix de la comédienne, dont le timbre si mélodieux rend cette histoire terriblement romanesque et belle.   

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